vendredi 21 février 2020

LA MAISON, de Emma Becker

Sorti le 21 août 2019
Résumé : J’ai toujours cru que j’écrivais sur les hommes. Avant de m’apercevoir que je n’écris que sur les femmes. Sur le fait d’en être une. Écrire sur les putes, qui sont payées pour être des femmes, qui sont vraiment des femmes, qui ne sont que ça ; écrire sur la nudité absolue de cette condition, c’est comme examiner mon sexe sous un microscope. Et j’en éprouve la même fascination qu’un laborantin regardant des cellules essentielles à toute forme de vie.

Mon avis : Alors, par où commencer ? Ce livre m’a tourneboulée. C’est un thème qui change énormément de mes lectures habituelles, mais je ne regrette pas du tout de m’être lancée. L’auteure livre un témoignage très touchant d’une expérience qu’elle a vécu pendant deux ans, travailler dans une maison close berlinoise. 
L’auteure a une manière très délicate et touchante, mais en même temps drôle, d’évoquer la vie de tous les jours des prostituées, ou des putes, comme elle le dit elle-même. Cela donne un autre point de vue sur « le plus vieux métier du monde », et surtout ouvre un peu nos esprits parfois étriqués par des clichés ou idées préconçues. Je n’aurai pas imaginé avoir un jour un point de vue différent sur la prostitution de celui qu’on lui prête généralement, mais Emma Becker parvient à lui donner une portée sensuelle et pleine d’amour, d’amour de soi ou de ses semblables. 
Alors bien sûr, elle montre aussi le côté menaçant et glauque de certaines maisons closes, et aussi la dangerosité du métier en France par exemple, mais elle met surtout l’accent sur « La Maison » où elle a exercé son métier pendant deux années, un endroit sûr et plein de bonnes ondes. 
Elle présente des faits simples, les rencontres avec certains clients, la vie à côté du bordel, de manière forte et simple. Je me suis laissée portée par ma lecture, et tous les personnages m’ont touché à leur manière. Les hommes, dépendants du plaisir offert par Emma et ses semblables, mais aussi et surtout les femmes, douces et belles, qui parfois n’ont pas d’autres choix que de vendre leurs charmes, mais aussi celles qui ont le choix, et qui aiment ce qu’elles font. Et on les aime aussi pour cela.
Le roman permet de soulever des questions concernant les prostituées, comme celle concernant leur sécurité, la légalité, et le sexe en général.
L’écriture est sans détour, crue et parfois dure, mais toujours juste et envoûtante. Sincère, c’est le mot qui me vient. L’auteure utilise les mots comme ils lui viennent, et cela m’a beaucoup touchée. 
Ce livre casse les idées toutes faites, est à lire absolument pour changer l’image qu’on se fait de ces femmes, qu’on nomme par tout un tas de vulgarités pour les désigner toutes, alors qu’elles sont toutes des individus uniques, et surtout, entiers. 

Mes extraits : 
« Je pense chaque fois, voilà des femmes qui sont vraiment des femmes, qui ne sont vraiment que ça. Voilà des êtres éminemment sexués qu’on peut définir sans aucun mal. »

« La maison me manque. La façon dont le soleil du matin tombait sur le vieux parquet, les filles s'ébrouant à l’ouverture ; peut-être que j'exagère la beauté des chairs, la chanson des rires, l'allégresse de la fin de journée, cette magie insaisissable lorsque je m'arrêtais à l'entrée du salon pour les regarder. Peut-être est-ce juste l'éloignement qui me rend sentimentale ; mais je me souviens de cette ivresse passagère, de cette jubilation à ainsi être entourée de femmes nues ou en porte-jarretelles, comme d'un paradis qui n'aurait pas nécessité que je meure. Ça me coupait le souffle. »

Chronique de Lilice TwiCops

Broché : 382 pages
Editeur : FLAMMARION (21 août 2019)
Collection : LITTERATURE FRA

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