mardi 18 juin 2019

MAIS SINON TOUT VA BIEN de Max Deloy

Sorti le 2 mai 2019

Résumé: À force de jouer les tragédiens, il a tenté le destin. Déjà, s’appeler Georges quand on a la trentaine, c’est partir avec un sacré handicap. Mais aujourd’hui, c’est bien le dernier souci de ce père célibataire au bord de la crise de nerfs. Car tout fout le camp. D’abord, sa carrière : s’exhiber en slip kangourou pour une publicité n’est pas exactement ce qu’il avait en tête en embrassant le métier de comédien. Mais pour payer ses factures et conserver l’école de théâtre léguée par ses parents, il n’a pas le choix. Ensuite, il y a Henrik, son fils adoré, surdoué mais exigeant, qui fait fuir tous ses professeurs. Enfin, Georges n'a que quelques mois pour monter Phèdre avec une poignée d’amateurs et une prof incontrôlable. Bilan : c’est la cata. Et quand une nouvelle élève, aussi talentueuse que fascinante, et une préceptrice punk aux cheveux bleus, surgie de nulle part, mettent leur grain de sel dans ce monumental bazar, Georges commence à se demander si les dieux n’auraient pas une dent contre lui.

Mon avis: S'il y a un livre que je dois conseiller pour une lecture sur la plage, au bord de la piscine ou même dans le métro cet été, c'est celle-ci! Bien que l'auteur se targue de ne pas être dans un registre qui lui est familier, j'ai retrouvé dans cette histoire tout ce qui me plait dans le Feelgood, à savoir une histoire passionnante, hilarante et poignante! Et bien que l'histoire soit entièrement d'un point de vu masculin et écrit à la troisième personne du singulier, j'ai réussi à me fondre dans le décors qu'est la vie de Georges.

Georges est un papa trentenaire célibataire qui essaye de faire au mieux pour que son fils, Henrik, ne manque de rien. Toutefois, ce n'est pas toujours évident, surtout quand ledit fils de douze ans est un surdoué qui n'arrive pas à se sociabiliser et enchaîne les perceptrices. Perceptrices qu'il faut payer. Et de ce côté-ci, ce n'est pas la joie non plus. La carrière de Georges ne décolle pas et le théâtre qu'il gère ne donne pas assez de revenu pour survivre. Pourtant Georges ne se laisse pas abattre et commence à reprendre espoir quand il trouve enfin la perceptrice parfaite pour Henrik et qu'un magnat de l'immobilier lui propose une somme faramineuse pour lui racheter son théâtre. Si seulement ce n'était pas trop beau pour être vrai... 

Suivre Georges dans son quotidien est un pur plaisir. Non pas que ses mésaventures soient plaisantes, mais Max Deloy arrive à travers les déboires de Georges à nous faire relativiser, toujours positiver. Il faut dire que le style d'écriture de l'auteur est parfait. Captivant, percutant, fluide, il manie les mots comme un maître. J'ai beaucoup ri, mais j'ai aussi été submergée par les émotions devant ce père qui était débordé face aux épreuves qu'il subissait. 

Ce qui rend ce livre aussi beau, c'est le naturel des personnages. Chacun d'entre eux pourrait être n'importe lequel d'entre nous. Ils deviennent réels grâce à leur simplicité et leur quotidien ordinaire. Que ce soit la jeune femme timide gênée par ses rondeurs,  le beau gosse déficient après un accident, l'épicier du coin maghrébin ou le papa débordé par un enfant hors du commun. 
Je dois pourtant avouer que mon personnage préféré reste Margot, la préceptrice aux cheveux bleus. Cette jeune femme à peine majeur apporte du peps dans le récit. Il faut dire que c'est une vraie boule d'énergie. J'ai adoré son côté sans filtre et rentre dedans. Elle n'a vraiment pas froid aux yeux et crée ainsi des situations très cocasses! 

En bref, un coup de coeur pour ce roman à l'humour décalé mais teinté d'un réalisme surprenant. Je suis ravie que l'auteur se soit lancé dans le feelgood et j'espère vraiment qu'il n'arrêtera pas en si bon chemin car je suis certaine qu'une suite pourrait être envisagée...

Mes extraits:
À trente-deux ans, Jean Dujardin donnait la réplique à Mathilde Seigner, Vincent Cassel à Cate Blanchett. Moi, je m’apprête à enfiler un slip kangourou pour un shooting La Redoute.
Chacun a le succès qu’il mérite.
Dépité, j’observe le slip en coton rouge qui se balance au bout de mon doigt, quand une voix m’interpelle de l’autre côté du rideau.
— Monsieur, faudrait vous dépêcher, on vous attend !
— Une minute, j’arrive !
Toutes ces années de cours de théâtre pour ça ? Mieux vaut ne pas trop y penser.
J’essaie de retirer mon jean, mais je me heurte aux parois de la minuscule cabine et manque me casser la figure.
— Merde !
Dommage qu’il n’y ait pas de caméra. Je suis tellement ridicule que je pourrais postuler sans problème pour le film le plus grotesque de l’année : Le Grand Blond avec un slip rouge.
***
PÈRE CÉLIBATAIRE ET COMPLÈTEMENT DÉPASSÉ RECHERCHE PRÉCEPTEUR/PRÉCEPTRICE POUR FAIRE L’ÉCOLE À DOMICILE À SON FILS SURDOUÉ DE 12 ANS. AUCUN NIVEAU D’ÉTUDES REQUIS, CE PETIT GÉNIE SE CHARGERA DE VOUS FAIRE SENTIR DÈS LA PREMIÈRE HEURE À QUEL POINT VOUS ÊTES MÉDIOCRE. PROFIL SOUHAITÉ : MASOCHISTE, AIMANT SE FAIRE HUMILIER PAR UN PRÉPUBÈRE. TARIF : PROGRESSIF, LE PAIEMENT SERA AUTOMATIQUEMENT REVALORISÉ SI VOUS TENEZ PLUS DE CINQ HEURES SANS L’ÉTRANGLER OU DÉMISSIONNER.
***
— Qui a déjà lu ou entendu parler de Phèdre ? demande Mireille.
Silence de Cindy et de Karim. Jean-Christophe sort de sa rêverie et hasarde :
— Ce n’est pas une pièce du XVIIe siècle ? Ils en parlent dans la préface de mon livre, explique-t-il en sortant son exemplaire du Cid.
— C’est déjà un début, sourit Mireille. Phèdre est sans doute la pièce la plus connue du répertoire de Racine. Elle parle de… Attendez, ôtez-moi d’un doute : vous connaissez Racine, au moins ?
— Jean Racine ? demande Karim.
— Mais oui, Karim ! Jean Racine, tout à fait ! Peut-être le plus grand dramaturge français.
— Ah, ça, je ne sais pas, mais le médecin pour les femmes que va voir Anissa, il a son cabinet rue Jean-Racine, c’est pour ça que je le connais. »
Je me mords les joues pour ne pas trahir mon hilarité.
Chronique de Sandy Twi-Cops

Broché: 352 pages
Editeur: Harlequin
Collection: &H


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