NYMPHÉAS NOIRS, de Michel BUSSI

Sortie le 20 janvier 2011

Résumé :

Tout n'est qu'illusion, surtout quand un jeu de miroirs multiplie les indices et brouille les pistes. Pourtant les meurtres qui troublent la quiétude de Giverny, le village cher à Claude Monet, sont bien réels.

Au cœur de l'intrigue, trois femmes : une fillette douée pour la peinture, une institutrice redoutablement séduisante et une vieille femme aux yeux de hibou qui voit et sait tout. Et puis, bien sûr, une passion dévastatrice. Le tout sur fond de rumeur de toiles perdues ou volées, dont les fameux "Nymphéas" noirs. Perdues ou volées, telles les illusions quand passé et présent se confondent et que jeunesse et mort défient le temps.

Mon avis :

Ce n'est pas vrai !!! Voilà ce que j'ai dit tout haut à quelques pages de la fin de ce livre. Je ne sais pas vous, mais moi c'est ce genre de réaction que je désire avoir en lisant un thriller ou un polar. Quand en plus j'ai ri, rêvé et soupiré avant cela : que demander de plus ? Et c'est exactement ce qui m'est arrivé avec ce roman.

"Nympéas noirs" un titre et un résumé pleins de promesses. Un lieu, Giverny, qui fait rêver (si vous ne connaissez par encore allez-y ! Cet endroit est tout simplement magique). Il me paraît superflu de vous dire que l'intrigue est aux petits oignons, l'enquête un véritable casse-tête et le cliffhanger exceptionnel ! Ce sont des évidences vu que Michel Bussi est passé maître en la matière.

J'ai plutôt envie de vous parler de ce roman d'une toute autre manière... D'autant que l'ambiance qui plane sur cette histoire rend cette façon de voir les choses naturelle... Pour moi "Nymphéas noirs" est une oeuvre d'art. Un tableau que l'on admire durant un long moment pour en analyser le moindre détail. Une toile dont chaque plan et chaque angle de vue nous offre une nouvelle image, un autre point de vue sur l'ensemble. Oui, ce roman est un coup de cœur. Un énorme coup de cœur même. A tel point que lorsque je l'ai refermé je n'avais qu'une envie : le relire ! J'ai résisté, avec difficulté, et la relecture des extraits ainsi que la rédaction de cette chronique ne m'ont pas aidé ;-) Mais, je suis quelqu'un de raisonnable (si, si je vous assure), d'autres livres attendaient sagement dans ma PAL d'être lus et chroniqués, alors ce livre est retourné dans ma bibliothèque... pour le moment ;-)

Donc, vous vous demandez qu'est-ce que j'ai tant aimé dans ce livre ? Et bien j'ai envie de vous répondre, tout. Les lieux d'abord. La Normandie, ma région, avec son charme, sa poésie et ses mystères. Michel sait l'utiliser à merveille. Il la magnifie même ! L'histoire ensuite, mais difficile d'en dire davantage que le résumé sans risquer de vous spoiler, ce qui serait vraiment dommage. D'ailleurs, avis à celles ou ceux qui ont l'habitude de commencer par la fin - je ne vise personne en particulier... - ne faites surtout pas ça avec ce roman !!! Vous ne pourrez pas dire qu'on ne vous a pas prévenu ;-) Les personnages aussi. Attachants ou détestables, en tout cas ils ne laissent jamais indifférents. L'écriture enfin. Elle est fluide ce qui rend l'histoire d'autant plus agréable à lire et facile à suivre, même avec l'alternance des points de vue.

"Nymphéas noirs" est le 3ème roman de Michel Bussi que je lis et, au-delà de son incontestable talent pour balader le lecteur autour de l'intrigue, il ajoute toujours une autre dimension à son récit. Cette fois encore en y intégrant par le biais de ses personnages et de leurs passés des sujets qui nous poussent au questionnement, voir même à l'introspection. Quelles sont les conséquences de nos choix ou de nos non-choix sur notre vie, notre avenir ? Pourquoi et comment refusons-nous de regarder la vérité en face lorsqu'elle est trop difficile à accepter ? Quel est le poids des remords et des regrets ?

Je pourrais encore vous vanter les qualités de ce roman, mais je pense que vous avez déjà compris que si vous aimez ce genre il faut le lire, et puis rien ne vaut un extrait... ou deux ;-)

Extrait n°1 : Du point de vue de la vieille femme aux yeux de hibou qui voit et sait tout ;-)

Cent personnes, plus moi, toute seule ! A l'autre bout. Tout le monde se fout d'un vieux ou d'une vieille qui meurt. A tout prendre, pour être pleuré, mieux vaut crever jeune, en pleine gloire. Même si vous êtes le pire des salauds, pour être regretté, mieux vaut y passer le premier ! Pour mon mari, le curé a plié ça en moins d'une demie-heure. Un jeune, qui vient de Gasny. Je ne l'avais jamais vu avant. Morval, lui, a eu droit à l'évêque d'Evreux ! Une relation du côté de sa femme, paraît-il... Près de deux heures que ça dure.

Je vous vois venir, cela vous paraît peut-être étrange, deux enterrements dans le même cimetière, seulement séparés de quelques dizaines de mètres, sous la même pluie battante. La coïncidence vous apparaît peut-être dérangeante ? Exagérée ? Soyez alors certains d'une chose, d'une seule : il n'existe aucune coïncidence dans toute cette série d'événements. Rien n'est laissé au hasard dans cette affaire, bien au contraire. Chaque élément est à sa place, exactement au juste moment. Chaque pièce de cet engrenage criminel a été savamment disposée et croyez-moi, je peux vous le jurer sur la tombe de mon mari, rien ne pourra l'arrêter.

Je relève la tête. Je vous le confirme : vu d'en haut, le tableau vaut le coup d’œil.

Extrait n°2 : L'inspecteur Laurenç Sérénac et l'institutrice lorsqu'ils se trouvent dans la maison rose de Claude Monet

Laurenç se tourne. Les lèvres pâles de Stéphanie sont restées entrouvertes. Il lutte contre l'envie de passer ses doigts sur cette bouche tremblante, de caresser ce délicat profil de porcelaine.

- Vous êtes une fille étrange, Stéphanie...

- Et vous, inspecteur, vous avez le don de déclencher les confidences. Je vais vous l'avouer, en matière d'interrogatoire, vous êtes beaucoup plus subtil que ce que mon mari a bien voulu me dire. Non, inspecteur, je vais vous décevoir. Je n'ai rien d'étrange, bien au contraire, je suis d'une banalité affligeante...

L'institutrice attend, hésite, puis parle d'une traite, comme si elle se jetait de la fenêtre :

- Banale, vous dis-je. J'aimerais élever un enfant, le mien, mais je crois que mon mari ne peut pas m'en donner. Est-ce pour cela que je ne l'aime plus ? Je ne le pense pas non plus. Je crois, aussi loin que je m'en souvienne, que je ne l'ai jamais aimé. Il était là. Pas pire qu'un autre. Disponible. Aimant. Je ne suis pas mal tombée. Vous voyez, inspecteur, je suis une femme banale. Piégée. Comme tant d'autres. Le fait que je sois jolie, je crois, que je sois née à Giverny et que j'adore les enfants de ma classe n'y change rien...

La main de Laurenç se pose sur celle de Stéphanie. Ils enroulent leurs dix doigts autour de la balustrade de fer forgé verte.

- Pourquoi me l'avouer ? Pourquoi à moi ?

Stéphanie le dévisage en riant.

N'est-elle pas consciente qu'au moins ses yeux, rien que ses yeux, sont uniques ?

- Ne vous faites aucune illusion, inspecteur. N'allez surtout pas vous faire des idées... Si je vous ai raconté tout ceci, ce n'est aucunement pour votre sourire de voyou, ou pour votre chemise un peu trop ouverte, ou pour vos yeux noisette qui trahissent le moindre de vos sentiments. N'allez surtout pas croire que je vous trouve du charme, inspecteur... C'est uniquement...

La main s'échappe vers l'horizon. Stéphanie laisse planer le suspense.

- (...) c'est uniquement de votre Tiger Triumph que je suis tombée amoureuse !

Elle rit.

- Et peut-être aussi de la façon que vous avez de vous arrêter pour caresser Neptune...

Elle s'approche encore.

- Une dernière chose, inspecteur. Une chose importante ! Une confidence. Ce n'est pas parce que je n'aime plus mon mari que cela fait de lui un assassin. Bien au contraire...

De Chloé Tessie-cops

Broché : 438 pages

Éditeur : Presse de la cité